Jeudi 6 juin

Avant-dernière journée de la croisière et objectif Galway Bay. Bon, on a donc pas loin de 100 milles à faire dans la journée et on part encore avec le vent dans le nez, et en plus faible, donc, sniff, encore voile (grand voile, voile d'étai, trinquette) et moteur. Mais on quitte Ventry Harbour sous un ciel bleu immaculé !

     

On longe la pointe de la Péninsule de Dingle jusqu'aux Blasket Islands, et puisque le temps est beau, plutôt que de les contourner par l'ouest, on coupe entre les îles et la côte, par le somptueux Blasket Sound. On découvre les habitations abandonnées sur les îles depuis 1953 : trop loin, trop isolé, trop dur... Par contre, il y toujours les moutons partout (pas compliqués : si un caillou est suffisament grand pour qu'un brin d'herbe y pousse, alors il est assez grand pour y mettre un mouton).

     

On continue à longer la côte : les rochers jumeaux (triplés, même) des Three Sisters, le mont Brandon dont le sommet est caché dans les nuages (montagne nommé en l'honneur de Saint Brendan, patron des marins et marin lui-même, qui aurait découvert l'Amérique 1000 ans avant Christophe Colomb, à bord d'un bateau en cuir...). Le vent monte un peu et avec notre combinaison voile et moteur, on avance à 8 noeuds. Le soleil brille tant qu'il peut...

 

On fait la sieste sur le pont et là... On pourrait rêver un peu, non ?

On pourrait rêver que le vent va se lever encore un peu, tourner un peu en notre faveur, et qu'on va pouvoir envoyer toute la toile (voiles d'avant, puis misaine, et huniers) et couper le moteur.

       

On pourrait rêver que le soleil a rendez-vous avec la hune, et que ceux qui n'ont pas le vertige vont aller leur rendre visite.

     

On pourrait rêver qu'à la voile, on va continuer à avancer jusqu'à 8 noeuds, et qu'on va enfin commencer à ressentir quelque chose dans la barre, parce que oui, la goélette est ardente, et que dans les rafales (oh, les rafales : 25 noeuds ?), on va la sentir partir au lof, et qu'il va falloir apprendre à anticiper, doser, répondre à ses mouvements, et qu'on va se faire très plaisir à jouer avec elle.

   

On pourrait rêver que des dauphins viennent jouer avec cette belle coque verte et noire, qu'ils cabriolent dans la vague d'étrave, avec une précision millimétrique, et qu'ils suivent son sillage en nous offrant des sauts périlleux incroyables.

     

On pourrait rêver qu'on passe, à la voile, sous le soleil, à 8.5 noeuds, dans le Gregory Sound, entre les falaises géométriques d'Inishmore et Inishman, deux des îles d'Aran.

   

On pourrait rêver qu'après une journée de navigation aussi magique, on va relacher dans Cashla Bay, à l'entrée de la baie de Galway, entre un petit village sur la rive droite et les inévitables champs entourés de mur de pierre sur la rive gauche.

On pourrait rêver que le soleil refuse obstinément de nous abandonner et qu'on sort l'apéro et les guitares pour prolonger la journée sur le pont.

On pourrait rêver qu'on installe même le barbecue (ben oui, quoi, un barbecue sur le pont, en Irlande, en juin, puisque je vous dit qu'on rêve !) et qu'on dine sur le pont, tiens.

       

On pourrait rêver que deux petits bateaux à rames, en toile recouvert de goudron, descendants des curraghs qui sont construits dans le coin depuis la nuit des temps, viennent rendre visite à la goélette, et qu'il y a un échange d'équipage pour que les rameurs se promènent sur le bateau à voile et que les voileux aillent ramer un peu.

On pourrait rêver que le soleil, n'ayant pas envie de se coucher, fait durer le plaisir en illuminant toute la baie pendant près d'une heure de ses derniers rayons, rouges, oranges, violets, encore, encore...

On pourrait rêver qu'au petit matin, un phoque curieux vient carresser la coque de ses moustaches, et qu'un petit bateau traditionnel (Galway hooker) vient payer son hommage matinal à sa lointaine cousine d'outre-Manche...

Ben quoi, si ça n'est pas fait pour rêver, les vacances, à quoi ça sert ? Ne fermez pas trop les yeux, quand même : et si le rêve était vrai ?

Je n'oublie pas non plus qu'on a eu un festival de blagues et d'histoire, certaines en situation, et avec accessoire s'il vous plait... Et que Jean-Pierre nous a créé un "boogie de La Recouvrance", faut qu'ça balance !

Jour précédent Retour au sommaire Jour suivant

Terre et Mer   http://terremer.net   terremer@free.fr