Comme partout il faisait (très) beau et (très) chaud dimanche 29 juillet, avec à peine un souffle d'air sur l'eau, juste assez pour avancer à la voile. La cérémonie de bénédiction de la mer (par l'évêque de Coutances depuis le canot de la SNSM pavoisé de frais) était prévue vers 14h30 mais les portes du port ouvrant un peu avant 13h, tout le monde se précipite sur l'eau dans l'espoir d'un peu de fraicheur. L'Albatros, le joli petit cotre maquereautier est bien sur de sortie pour l'occasion et j'embarque, avec 4 autres équipiers. Vu le peu de vent, on sort le grand jeu : toute la toile hissée à quai pour quitter le ponton à la voile : grand-voile pleine, foc et trinquette, et le flèche, la voile-plume qui vient coiffer tout ça. Manoeuvre nickel, toujours le petit frisson quand on largue les amarres, est-ce qu'on ne va pas éperonner les bateaux à quai avec le bout-dehors? Mais non, on sort sans encombre et on file direct sur la Granvillaise, qui a aussi envoyé toute la toile.
Avec ce tout petit vent et la mer plate, la légèreté et la belle voilure de l'Albatros font merveille : on rattrape comme une fleur la Granvillaise et ses 270m² de toile! Notre Dame des Flots, un autre petit cotre aurique de Granville, nous tiens compagnie.
On tire quelques bords ensemble et on voit arriver, sortant de la brume de chaleur à l'horizon, le beau gréement de La Recouvrance, la goélette de Brest, qui décidemment ne se lasse pas de venir nous dire bonjour. Comme on ne se lasse pas non plus de la voir, ça tombe bien! Et elle n'est pas venue toute seule, elle a emmené dans son sillage, depuis Chausey, la Cancalaise, la bisquine de Cancale, et c'est un vrai plaisir car on ne les voit pas souvent à Granville. Avec l'Albatros qui se manoeuvre avec simplicité, on peut se faufiler entre les bisquines et la goélette, les voiles brillent dans le soleil, grand bonheur.
Le canot de la SNSM sort du port et se dirige vers la pointe du Roc, suivi d'une multitude de petites embarcations granvillaises, à voile ou à moteur. Aucun chalutier n'est de sortie, les pêcheurs voulant montrer leur désapprobation face aux nouvelles lois concernant les autorisations d'embarquement de personnes privées à bord des navires de pêche. Ils sont tous, ce jour, embarqués avec leur familles sur les deux navettes habituellement affectées à la liaison Granville-Chausey. L'Albatros reste un peu à l'écart du méli-mélo qui s'ensuit. La bénédiction achevée, et la gerbe de fleurs mise à l'eau, les sirènes, klaxons et cloche (pour la Granvillaise) retentissent.
Le vent faiblit, et, étant sans moteur, on commence à avoir du mal face au courant de la pointe. On sort la godille mais navettes et zodiacs, qui veulent nous admirer de près, soulèvent de sacrées vagues et on fait le bouchon, pas facile de godiller dans ces conditions. Quand on commence à franchement reculer, une bonne âme nous propose un remorquage pour nous remettre derrière la pointe, à l'abri du courant. On peut ensuite se remettre à la voile pour quelques bords encore, entre la Recouvrance, la Granvillaise et la Cancalaise, qui s'en donnent à coeur-joie et profitent de la légère brise pour un petit ballet nautique.
Mais il faut rentrer, déjà, on affale juste le foc pour rentrer le bout-dehors, mais sinon on garde toute la toile. On vient lofer en dessous du ponton, puis on choque tout en grand pour venir tout doucement, sur notre erre, se mettre bout au vent le long du ponton. Accostage tout en douceur, c'est incroyable les plaisirs que peut offrir ce petit canot. Et voilà, il faut affaler, ferler, ranger...La Recouvrance et la Cancalaise repartent vers Cancale, et la petite gerbe de fleurs doit s'éloigner avec le courant pour rejoindre tous les marins disparus...
