Jeudi 10 février

Nous allons passer 2 jours et une nuit sur la crique Bagot, affluent de La Comté (un des fleuves guyanais), au départ de Cacao. Notre guide s'appelle Bruno, c'est un breton exilé (ils sont nombreux en Guyane) qui est installé à Cacao depuis de nombreuses années et qui a monté son entreprise d'écotourisme, Quimbé Kio, avec sa femme, Tchia (d'origine hmong). Ils ont un gite et une petite auberge à Cacao, et Bruno emmène des passagers en pirogue sur la crique Bagot où il a aménagé un petit carbet pour la nuit. Bruno est très sympa et connait bien la forêt. Il est aussi impliqué dans la gestion des Gites de France en Guyane, et également dans le développement et l'entretien de sentiers de randonnées comme le sentier Molokoï, rude mais magnifique d'après ceux qui l'ont emprunté (plus d'info en cliquant ici!).

Nous sommes 3 plus un autre couple et c'est donc à cinq passagers que nous quittons Cacao sous une pluie battante, guidé donc par Bruno et un petit stagiaire de l'armée qui se forme au métier de guide. On a mis bien sûr les vêtements et choses fragiles dans des touques étanches, et les hamacs, ainsi que tout le matériel pour notre "camping", sous une bache à l'abri. La remontée de la crique est superbe, et facile en cette saison des pluies car l'eau est haute. A la saison sèche, il est fréquent que les passagers descendent de pirogue pour la porter sur les bancs de sable. Il faut juste slalomer entre les troncs d'arbres morts. Le paysage est superbe avec les arbres immenses de la rive, et on voit plein d'oiseaux.

     

Après une sympathique balade nous arrivons à notre "hotel" en plein air. Dans une petite clairière, on trouve un carbet-chambre, un autre salon-salle à manger, et même un carbet-salle de bain! Le tout est très bien aménagé et presque tout confort puisque grâce à une pompe et un petit groupe électrogène (d'une discrétion remarquable) nous aurons même l'eau courante et l'électricité pour le soir... L'aventure de grand luxe! Nous installons les hamacs et prenons notre premier repas ensemble, après le (enfin, les) ti'punch de rigueur. La pluie continue de tomber par averses, et bien à l'abri sous le toit du carbet (recouvert d'une bache par dessus les palmes), nous écoutons le bruit des gouttes et nous sentons monter l'odeur de la forêt humide...

     

Après le repas, Bruno nous emmène pour une promenade en forêt. Il a aménagé quelques layons (sentiers) au départ du campement. Celui que nous empruntons rejoint la rivière, un peu plus haut sur son cours, au bout d'une bonne heure de marche. En chemin nous prenons quelques leçons de botanique forestière et également d'entomologie, nous entendons également énormément d'oiseaux et nous verrons quelques petites grenouilles. Les averses tombent toujours et l'ambiance dans la forêt sous la pluie est fascinante. On ne voit presque pas le ciel, il y a tout le temps des bruits étranges, il y a des arbres superbes... Et à cause de la pluie, je n'ai pas pris mon appareil photo.

Au lieu de rejoindre le campement par la forêt, Bruno nous propose une petite baignade. On se laisse donc porter par le courant, très doux, qui nous emmène jusqu'au ponton où notre pirogue est amarré. L'eau est chaude, il faut faire attention aux troncs d'arbres immergés et sans doute à quelques petites bestioles mais je n'en verrai aucune (j'ai quand même gardé mes chaussures...). Un moment de détente très étrange et agréable.

Après une petite sieste, nous allons en pirogue poser un filet de pêche (pour attraper du petit poisson qui servira d'appat) et quelques lignes avec hameçon pour tenter de pêcher quelques poissons (dont j'ai oublié le nom!) même si Bruno nous dit qu'il n'a encore pas essayé de pêcher depuis le début de la saison des pluies. Quartier libre, sieste, apéro, repas... Nous discutons Guyane, développement, tourisme, chercheurs d'or, poissons d'eau douce et animaux venimeux, Bruno est passionné par ce pays et très intéressant à écouter.

La nuit venue, nous repartons pour une promenade en forêt, sur un autre layon. L'ambiance est totalement différente mais toujours aussi fascinante. Bruno repère les animaux (même minuscules!) aux reflets de sa lampe dans leurs yeux. Encore des grenouilles, des fourmis différentes de celle de la journée, une superbe mygale dont il avait repéré le trou quelques heures plus tôt. Elle est devant son repaire à monter la garde, et n'est pas du tout aggressive envers nous, même si on la dérange clairement. Elle aurait plus envie de se sauver que de nous attaquer... Elle est très belle mais brrr...rien à faire, elle me donne le frisson.

Nous remontons ensuite dans la pirogue, moteur éteint, pour se laisser dériver dans le courant, sous le pretexte d'aller relever les lignes. C'est le premier quartier de lune, la nuit est noire mais les nuages sont enfin partis, et nous voila sur la rivière, sans un bruit, sous une voute étoilée absolument magnifique, comme je n'ai jamais vu de ma vie... On entend, loin, des singes hurleurs. Le moment est magique, incroyable.

La nuit sous le hamac est bonne, rythmée par les bruits de la forêt et de la pluie. Nous entendrons pendant la nuit encore des singes hurleurs, de plus en plus proches, et si proches au matin que nous partirons sur leurs traces jusqu'à les apercevoir, taches oranges dans les arbres. Leur cri/hurlement est fascinant, très sonore, à la fois feulement, souffle et plainte, un cri comme je n'ai jamais entendu.

Petit-déjeuner avec les oiseaux, flaneries du matin encore, puis il faut déjà repartir. On s'arrête relever le filet et les lignes : bredouille!

   

Il faut se séparer à grand regret vers midi à Cacao, la tête pleine d'images et de souvenirs.

Cacao est situé au Sud de Cayenne, et est un des deux villages de Guyane où se sont installés, dans les années 1970, des réfugiés hmongs fuyant les persécutions du Laos. Ils ont apporté leur grand savoir-faire de maraichage, et sont maintenant les principaux producteurs de fruits et légumes en Guyane.

Ce vendredi, et en période de vacances scolaires en plus, Cacao est d'un calme absolu. Le dimanche est jour de marché, où des centaines de personnes viennent déguster la soupe... Ca devient "trop", nous disent certains, mieux vaut en fait éviter le dimanche. On se promène dans les rues en attendant de pouvoir déjeuner, c'est très agréable. Repas laotien délicieux à côté du marché (vide).

On repart ensuite vers Cayenne, la route est bonne (juste refaite) et la pluie semble enfin s'arrêter. Dernière halte à un tournant de route qui domine la forêt...

     

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