Samedi 1er juin

Voilà donc un bateau, La Recouvrance, goélette à huniers reconstruite en 1992 sur les plans d'une goélette-aviso de 1817, batiment militaire qui servait au transport du courrier et à la protection des côtes et des convois. Vingt-cinq mètres de coque, 42m hors tout, 6 mètres de large, deux mats et 8 voiles... Navire-ambassadeur de la ville de Brest qui navigue 200 jours par an en Bretagne et au-delà... Si vous voulez en savoir plus sur ce bateau, allez faire un tour sur son site : http://www.larecouvrance.com. Vous verrez que c'est un beau bateau, solide et confortable, et qui fait rêver...

       

Voilà aussi un équipage. Cinq marins professionnels : Cédric le capitaine, Franck le bosco (qui remplace pour la semaine le second en vacances), Rodolphe le chef-machine, Olivier le cuisinier et Cyril le matelot-cuisinier en second. Et dix équipiers pour la semaine : André, Georges, Henri, Henri encore, Jan, Jacques, Jean-Pierre, Paul, Pierrick, et moi (vive la parité !). Tous des gens qui connaissent et qui aiment la mer, et qui ont eu envie, pour voir, d'un petit bout de rêve sur un bateau différent.

Le capitaine nous accueille donc à bord de ce qui va être notre maison pour 7 jours. Brève présentation du bateau et de son histoire, puis quelques consignes de sécurité, et explication du programme : route le plus vite possible sur l'Irlande et une fois passé Mizen Head, cabotage tranquille (si on peut) vers Galway... La météo annoncée est plutôt bonne, avec un petit vent de Nord-Est qui devrait tourner à l'Est, donc on va partir le plus vers l'Ouest possible, et après on verra bien.

Voilà, amarres larguées, on part pour la grande traversée ! Un peu contrariée au démarrage par deux heures d'attente au ponton carburant, à se morfondre sur les aléas de la marine à voile motorisée et à se désoler sur tout ce bon vent qui souffle pour rien...

D'ailleurs, il se vexe, le vent, parce que le temps qu'on réussisse à sortir du port, il est parti voir ailleurs si on avait besoin de lui : pétole. On envoit la toile quand même. Premiers contacts avec la manoeuvre sur un tel bateau : eh ben y'en a du bout ! A babord, à tribord, à l'avant, à l'arrière, et au pied des mats... Heureusement, ils sont tous soigneusement étiquetés : "Drisse de pic de brigantine" "Drisse de mat" "Ecoute de hunier" "Bras de vergue sèche" "Hale-bas de trinquette" "Cargue point"... Ca n'est pas en sept jours qu'on va se familiariser avec tous, mais on va quand même réussir à en repérer quelques-uns. On envoit la grand-voile, puis le grand foc, le petit foc, la voile d'étai. Ca réchauffe, la manoeuvre !

         

Et puis, il faut bien, moteur en renfort... On remonte la rade sous le soleil qui tape, les shorts et tee-shirts sont de sortie, allez, c'est quand même pas si mal ! Sorti du Goulet on part au portant, c'est toujours ça de pris, donc on tire vers l'Ouest-Nord Ouest.

Découverte d'un élément central du confort à bord : la cuisine. Olivier, le cuisinier, est un vrai génie. Il nous fera, pendant toute la traversée et quelque soit la météo et le degré de gite, de fantastiques repas 3 fois par jour, repas variés, copieux et délicieux. Et le premier repas est pris sur le pont, parce qu'un soleil comme ça, hein, on ne va pas le vexer.

Entre les quarts de sieste on organise les quarts de veille, qui commenceront ce soir, à 20h : 3 équipes de 5, qui se relaieront toutes les quatres heures. Je suis du quart du soleil qui se couche (20h-minuit et 8h-midi).

Dans l'après-midi le vent tourne à l'Est et on oblique donc vers le Nord-Ouest. Il a aussi la gentillesse de se renforcer un peu et on peut donc envoyer toute la toile : la trinquette, les huniers, le flèche, la misaine. On coupe le moteur et on est là, tranquille, au soleil, sur le pont de La Recouvrance poussée par un petit vent de travers dans ses 430m2 de toile...

       

Et d'ailleurs, on ne pourrait pas faire mieux ? Le vent tourne encore, il est Sud-Est, on est presque vent arrière, et le spi alors ? Eh bien on en a un, de spi ! Enfin, sur une goélette à huniers ça s'appelle une fortune carrée, et ça s'envoie, trinquette affalée, en dessous des huniers, devant le mat de misaine. Superbe voile carrée de près de 100m2... Wow. Je ne sais pas à quelle vitesse on va, sans doute pas très vite car le vent n'est pas très fort (6 ou 7 noeuds peut-être ?) mais bon sang, qu'est ce que c'est bon !

Mais n'oublions pas qu'on arrive près du rail d'Ouessant et qu'on ne va pas tarder à voir des cargos. On croise d'abord le rail montant, le premier cargo se détourne gentiment pour passer derrière nous. On passera beaucoup plus près de l'arrière du deuxième ! Mais avec le radar et une bonne visibilité, le rail sera traversé sans encombre.

       

Après le diner, on commence les quarts, le vent mollit. Chacun barre à son tour, en essayant de se relayer toutes les heures. Il n'y aura autrement pas beaucoup de manoeuvres à faire, car on essaye de les garder pour le changement de quart, quand il y a du monde sur le pont.

Je prend donc la barre de La Recouvrance pour la première fois, première fois aussi que je suis face à une barre à roue, quelques réflexes à perdre et d'autre à reprendre ! Un coup d'oeil sur le compas, un coup d'oeil sur les voiles devant, un coup d'oeil sur les voiles en l'air... J'ai un peu du mal à prendre la mesure de l'amplitude des mouvements de barre et de la vitesse de réaction du bateau, mais ça finit par venir. Je suis un peu étonnée par le peu de sensation dans la barre... mais pour rien au monde je ne céderais ma place !

Au changement de quart de minuit, le vent a encore molli. On affale la fortune, on cargue la misaine (il faut être 6 : une personne à l'écoute et une sur chaque cargue, bien se synchroniser et ne pas mélanger les bouts !), et les huniers. Et on s'aide de la risée Beaudouin...

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