Pour la Fête Nationale, Granville et sa Granvillaise recevait Brest et sa goélette La Recouvrance, en escale pour deux jours entre Cherbourg et les Anglo-Normandes. Les deux bateaux se sont mis à couple dans le port de commerce, au milieu des chalutiers. La petite marée, haute en milieu de journée, ne permettait qu'une sortie de quelques heures devant Granville pendant l'ouverture du port : profitons-en pour faire un peu de beau spectacle.
A bord de la Granvillaise, 10 personnes, pas loin de l'effectif idéal, et qui connaissent bien le bateau. Hissage des voiles dans le port de commerce, voiles basses et huniers, foc et tapecul envoyés en moins de 20 minutes, pas mal! Et on sort à la voile (moteur enclenché mais débrayé), suivi de La Recouvrance qui commence à défaire les cargues pour envoyer la toile, sous les applaudissements!
S'ensuivent quelques trop brèves heures de plaisir pur, le vent se prend dans les voiles, les bateaux glissent sur l'eau, bords et contre-bords entre ces deux bateaux si différents, le bateau de pêche fin et toilé avec son gréement au tiers, le bateau de campagne militaire, plus large, plus haut, avec toutes ses belles voiles d'avant, on imagine presque les canons qui tonnent!
On manoeuvre, on vire, sous le soleil, devant la Pointe du Roc et la promenade du Plat-Gousset, on se croise au vent, sous le vent, on sent la puissance du bateau sous les pieds, dans les mains qui tiennent les écoutes, dans les voiles qui se gonflent, dans le chant de l'hélice du moteur qui annonce qu'on prend de la vitesse (7 noeuds, 8 noeuds...), dans la vague d'étrave qui gronde.
Il faut rentrer, bien trop tôt. Dernier petit bord-à-bord, et là, entre la coque blanche de la bisquine (33m hors tout) et la belle coque noire et blanche de la goélette (42m) vient se glisser Old Dream, un tout petit cotre franc, qui doit avoir une vingtaine d'années, joli coque en bois de 6 mètres, mené par un papy de Granville d'une incroyable vitalité et son petit-fils, qui passe un temps fou à l'entretien et la remise en état, une belle histoire de famille que ce bateau. Il avance, si petit entre les deux grands voiliers, on pourrait l'emballer tout entier avec toute sa toile dans la grand voile de La Recouvrance, une belle émotion.
Et, juste pour un dernier plaisir, presque égoïste, on rentre dans le port de commerce à la voile, sans moteur, entre les portes ça n'est pas très large! Les deux bateaux se remettent à couple à quai. Le soir descend doucement, les bouteilles sortent pour l'apéro, les brestois partagent les poissons fumés méthode dunkerquoise qu'ils ont ramenés du Nord. Un peu de guitare, un peu de belles histoires, les derniers rayons de soleil sur les grands pavois, et on se quitte sous le feu d'artifice.
Et le lendemain, ça recommence!
(Note: les photos ont été prises le samedi à bord de La Granvillaise et le dimanche à bord de Criste Marine, côtre aurique de 10m construit à Granville en 1965.)